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B  I  B  L  I  O  T  H  E  Q  U  E ~ V  I  R  T  U  E  L  L  E
Raymond Radiguet
Le diable au corps

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La nuit descendait de plus en plus tôt ; et la fraîcheur des soirs empêchait nos promenades. Il nous était difficile de nous voir à J... Pour qu'un scandale n'éclatât pas, il nous fallait prendre des précautions de voleurs, guetter dans la rue l'absence des Marin et du propriétaire.
 
 

La tristesse de ce mois d'octobre, de ces soirées fraîches, mais pas assez froides pour permettre du feu, nous conseillait le lit dès cinq heures. Chez mes parents, se coucher le jour signifiait : être malade, ce lit de cinq heures me charmait. Je n'imaginais pas que d'autres y fussent. J'étais seul avec Marthe, couché, arrêté, au milieu d'un monde actif. Marthe nue, j'osais à peine la regarder. Suis-je donc monstrueux ? Je ressentais des remords du plus noble emploi de l'homme. D'avoir abîmé la grâce de Marthe, de voir son ventre saillir, je me considérais comme un vandale. Au début de notre amour, quand je la mordais, ne me disait-elle pas : « Marque-moi » ? Ne l'avais-je pas marquée de la pire façon ?
 
 

Maintenant Marthe ne m'était pas seulement la plus aimée, ce qui ne veut pas dire la mieux aimée des maîtresses, mais elle me tenait lieu de tout. Je ne pensais même pas à mes amis ; je les redoutais, au contraire, sachant qu'ils croient nous rendre service en nous détournant de notre route. Heureusement, ils jugent nos maîtresses insupportables et indignes de nous. C'est notre seule sauvegarde. Lorsqu'il n'en va plus ainsi, elles risquent de devenir les leurs.
 
 

* * *




Mon père commençait à s'effrayer. Mais ayant toujours pris ma défense contre sa soeur et ma mère, il ne voulait pas avoir l'air de se rétracter, et c'est sans rien leur en dire qu'il se ralliait à elles. Avec moi, il se déclarait prêt à tout pour me séparer de Marthe. Il préviendrait ses parents, son mari... Le lendemain, il me laissait libre.
 
 

Je devinais ses faiblesses. J'en profitais. J'osais répondre. Je l'accablais dans le même sens que ma mère et ma tante, lui reprochant de mettre trop tard en oeuvre son autorité. N'avait-il pas voulu que je connusse Marthe ? Il s'accablait à son tour. Une atmosphère tragique circulait dans la maison. Quel exemple pour mes deux frères ! Mon père prévoyait déjà de ne rien pouvoir leur répondre un jour, lorsqu'ils justifieraient leur indiscipline par la mienne.
 
 

Jusqu'alors, il croyait à une amourette, mais, de nouveau, ma mère surprit une correspondance. Elle lui porte triomphalement ces pièces de son procès. Marthe parlait de notre avenir et de notre enfant !
 
 

Ma mère me considérait trop encore comme un bébé, pour me devoir raisonnablement un petit-fils ou une petite-fille. Il lui apparaissait impossible d'être grand-mère à son âge. Au fond, c'était pour elle la meilleure preuve que cet enfant n'était pas le mien.
 
 

L'honnêteté peut rejoindre les sentiments les plus vifs. Ma mère, avec sa profonde honnêteté, ne pouvait admettre qu'une femme trompât son mari. Cet acte lui représentait un tel dévergondage qu'il ne pouvait s'agir d'amour. Que je fusse l'amant de Marthe signifiait pour ma mère qu'elle en avait d'autres. Mon père savait combien faux peut être un tel raisonnement, mais l'utilisait pour jeter un trouble dans mon âme, et diminuer Marthe. Il me laissa entendre que j'étais le seul à ne pas « savoir ». Je répliquai qu'on la calomniait de la sorte à cause de son amour pour moi. Mon père, qui ne voulait pas que je bénéficiasse de ces bruits, me certifia qu'ils précédaient notre liaison, et même son mariage.
 
 

Après avoir conservé à notre maison une façade digne, il perdait toute retenue, et, quand je n'étais pas rentré depuis plusieurs jours, envoyait la femme de chambre chez Marthe, avec un mot à mon adresse, m'ordonnant de rentrer d'urgence ; sinon il déclarerait ma fuite à la préfecture de police et poursuivrait Mme L. pour détournement de mineur.
 
 

Marthe sauvegardait les apparences, prenait un air surpris, disait à la femme de chambre qu'elle me remettrait l'enveloppe à ma première visite. Je rentrais un peu plus tard, maudissant mon âge. Il m'empêchait de m'appartenir. Mon père n'ouvrait pas la boucle, ni ma mère. Je fouillais le code sans trouver les articles de loi concernant les mineurs. Avec une remarquable inconscience, je ne croyais pas que ma conduite me pût mener en maison de correction. Enfin, après avoir épuisé vainement le code, j'en revins au grand Larousse, où je relus dix fois l'article « mineur », sans découvrir rien qui nous concernât.
 
 

Le lendemain, mon père me laissait libre encore.
 
 

Pour ceux qui rechercheraient les mobiles de son étrange conduite, je les résume en trois lignes : il me laissait agir à ma guise. Puis, il en avait honte. Il menaçait, plus furieux contre lui que contre moi. Ensuite, la honte de s'être mis en colère le poussait à lâcher les brides.
 
 

Mme Grangier, elle, avait été mise en éveil, à son retour de la campagne, par les insidieuses questions des voisins. Feignant de croire que j'étais un frère de Jacques, ils lui apprenaient notre vie commune. Comme, d'autre part, Marthe ne pouvait se retenir de prononcer mon nom à propos de rien, de supporter quelque chose que j'avais fait ou dit, sa mère ne resta pas longtemps dans le doute sur la personnalité du frère de Jacques.
 
 

Elle pardonnait encore, certaine que l'enfant, qu'elle croyait de Jacques, mettrait un terme à l'aventure. Elle ne raconta rien à M. Grangier, par crainte d'un éclat. Mais elle mettait cette discrétion sur le compte d'une grandeur d'âme dont il importait d'avertir Marthe pour qu'elle lui en sût gré. Afin de prouver à sa fille qu'elle savait tout, elle la harcelait sans cesse, parlait par sous-entendus, et si maladroitement que M. Grangier, seul avec sa femme la priait de ménager leur pauvre petite, innocente, à qui ces continuelles suppositions finiraient par tourner la tête. A quoi Mme Grangier répondait quelquefois par un simple sourire, de façon à lui laisser entendre que leur fille avait avoué.
 
 

Cette attitude, et son attitude précédente, lors du premier séjour de Jacques, m'incitent à croire que Mme Grangier, eût-elle désapprouvé complètement sa fille, pour l'unique satisfaction de donner tort à son mari et à son gendre, lui aurait, devant eux, donné raison. Au fond, Mme Grangier admirait Marthe de tromper son mari, ce qu'elle-même n'avait jamais osé faire, soit par scrupules, soit par manque d'occasion. Sa fille la vengeait d'avoir été, croyait-elle, incomprise. Niaisement idéaliste, elle se bornait à lui en vouloir d'aimer un garçon aussi jeune que moi, et moins apte que n'importe qui à comprendre la « délicatesse féminine ».
 
 

Les Lacombe, que Marthe visitait de moins en moins, ne pouvaient, habitant Paris, rien soupçonner. Simplement, Marthe, leur apparaissant toujours plus bizarre, leur déplaisait de plus en plus. Ils étaient inquiets de l'avenir. Ils se demandaient ce que serait ce ménage dans quelques années. Toutes les mères, par principes, ne souhaitent rien tant pour leur fils que le mariage, mais désapprouvent la femme qu'ils choisissent. La mère de Jacques le plaignait donc d'avoir une telle femme. Quand à Mlle Lacombe, la principale raison de ses médisances venait de ce que Marthe, détenait, seule, le secret d'une idylle poussée assez loin, l'été où elle avait connu Jacques au bord de la mer. Cette soeur prédisait le plus sombre avenir au ménage, disait que Marthe tromperait Jacques, si par hasard ce n'était déjà chose faite.
 
 

L'acharnement de son épouse et de sa fille forçait parfois à sortir de table M. Lacombe, brave homme, qui aimait Marthe. Alors, mère et fille échangeaient un regard significatif. Celui de Mme Lacombe exprimait : « Tu vois, ma petite, comment ces sortes de femmes savent ensorceler nos hommes. » Celui de Mlle Lacombe : « C'est parce que je ne suis pas une Marthe que je ne trouve pas à me marier. » En réalité, la malheureuse, sous prétexte qu'« autre temps autres moeurs » et que le mariage ne se concluait plus à l'ancienne mode, faisait fuir les maris en ne se montrant pas assez rebelle. Ses espoirs de mariage duraient ce que dure une saison balnéaire. Les jeunes gens promettaient de venir, sitôt à Paris, demander la main de Mlle Lacombe. Ils ne donnaient plus signe de vie. Le principal grief de Mlle Lacombe, qui allait coiffer Sainte-Catherine, était peut-être que Marthe eût trouvé si facilement un mari. Elle se consolait en se disant que seul un nigaud comme son frère avait pu se laisser prendre.
 
 

* * *




Pourtant, quels que fussent les soupçons des familles, personne ne pensait que l'enfant de Marthe pût avoir un autre père que Jacques. J'en étais assez vexé. Il fut même des jours où j'accusais Marthe d'être lâche, pour n'avoir pas encore dit la vérité. Enclin à voir partout une faiblesse qui n'était qu'à moi, je pensais, puisque Mme Grangier glissait sur le commencement du drame, qu'elle fermerait les yeux jusqu'au bout.
 
 

L'orage approchait. Mon père menaçait d'envoyer certaines lettres à Mme Grangier. Je souhaitais qu'il exécutât ses menaces. Puis, je réfléchissais. Mme Grangier cacherait les lettres à son mari. Du reste, l'un et l'autre avaient intérêt à ce qu'un orage n'éclatât point. Et j'étouffais. J'appelais cet orage. Ces lettres, c'est à Jacques, directement qu'il fallait que mon père les communiquât.
 
 

Le jour de colère où il me dit que c'était chose faite, je lui eusse sauté au cou. Enfin ! Enfin, il me rendait le service d'apprendre à Jacques ce qui importait qu'il sût. Je plaignais mon père de croire mon amour si faible. Et puis, ces lettres mettraient un terme à celles où Jacques s'attendrissait sur notre enfant. Ma fièvre m'empêchait de comprendre ce que cet acte avait de fou, d'impossible. Je commençai seulement à voir juste lorsque mon père, plus calme, le lendemain, me rassura, croyait-il, m'avouant son mensonge. Il l'estimait inhumain. Certes. Mais où se trouve l'humain et l'inhumain ?
 
 

J'épuisais ma force nerveuse en lâcheté, en audace, éreinté par les mille contradictions de mon âge aux prises avec une aventure d'homme.
 
 

* * *




L'amour anesthésiait en moi tout ce qui n'était pas Marthe. Je ne pensais pas que mon père pût souffrir. Je jugeais de tout si faussement et si petitement que je finissais par croire la guerre déclarée entre lui et moi. Aussi, n'était-ce plus seulement par amour pour Marthe que je piétinais mes devoirs filiaux, mais parfois, oserai-je l'avouer, par esprit de représailles !
 
 

Je n'accordais plus beaucoup d'attention aux lettres que mon père faisait porter chez Marthe. C'est elle qui me suppliait de rentrer plus souvent à la maison, de me montrer raisonnable. Alors, je m'écriais : « Vas-tu, toi aussi, prendre parti contre moi ? » Je serrais les dents, tapais du pied. Que je me misse dans un état pareil, à la pensée que j'allais être éloigné d'elle pour quelques heures, Marthe y voyait le signe de la passion. Cette certitude d'être aimée lui donnait une fermeté que je ne lui avais jamais vue. Sûre que je penserais à elle, elle insistait pour que je rentrasse.
 
 

Je m'aperçus vite d'où venait son courage. Je commençai à changer de tactique. Je feignais de me rendre à ses raisons. Alors, tout à coup, elle avait une autre figure. A me voir si sage (ou si léger), la peur la prenait que je l'aimasse moins. A son tour, elle me suppliait de rester, tant elle avait besoin d'être rassurée.
 
 

Pourtant, une fois, rien ne réussit. Depuis déjà trois jours, je n'avais mis les pieds chez mes parents, et j'affirmai à Marthe mon intention de passer encore une nuit avec elle. Elle essaya tout pour me détourner de cette décision : caresses, menaces. Elle sut même feindre à son tour. Elle finit par déclarer que, si je ne rentrais pas chez mes parents, elle coucherait chez les siens.
 
 

Je répondis que mon père ne lui tiendrait aucun compte de ce beau geste. Eh bien ! elle n'irait pas chez sa mère. Elle irait au bord de la Marne. Elle prendrait froid, puis mourrait ; elle serait enfin délivrée de moi : « Aie au moins pitié de notre enfant, disait Marthe. Ne compromets pas son existence à plaisir. » Elle m'accusait de m'amuser de son amour, d'en vouloir connaître les limites. En face d'une telle insistance, je lui répétais les propos de mon père : elle me trompait avec n'importe qui ; je ne serais pas dupe. « Une seule raison, lui dis-je, t'empêche de céder. Tu reçois ce soir un de tes amants. » Que répondre à d'aussi folles injustices ? Elle se détourna. Je lui reprochais de ne point bondir dans l'outrage. Enfin, je travaillais si bien qu'elle consentit à passer la nuit avec moi. A condition que ce ne fût pas chez elle. Elle ne voulait pour rien au monde que ses propriétaires pussent dire le lendemain au messager de mes parents qu'elle était là.
 
 

Où dormir ?
 
 

Nous étions des enfants debout sur une chaise, fiers de dépasser d'une tête les grandes personnes. Les circonstances nous hissaient, mais nous restions incapables. Et si, du fait même de notre inexpérience, certaines choses compliquées nous paraissaient toutes simples, des choses très simples, par contre, devenaient des obstacles. Nous n'avions jamais osé nous servir de la garçonnière de Paul. Je ne pensais pas qu'il fût possible d'expliquer à la concierge, en lui glissant une pièce, que nous viendrons quelquefois.
 
 

Il nous fallait donc coucher à l'hôtel. Je n'y étais jamais allé. Je tremblais à la perspective d'en franchir le seuil.
 
 

L'enfance cherche des prétextes. Toujours appelée à se justifier devant les parents, il est fatal qu'elle mente.
 
 

Vis-à-vis même d'un garçon d'hôtel borgne, je pensais devoir me justifier. C'est pourquoi, prétextant qu'il nous faudrait du linge et quelques objets de toilette, je forçais Marthe à faire une valise. Nous demanderions deux chambres. On nous croirait frère et soeur. Jamais je n'oserais demander une seule chambre, mon âge (l'âge où l'on se fait expulser des casinos) m'exposant à des mortifications.
 
 

Le voyage, à onze heures du soir, fut interminable. Il y avait deux personnes dans notre wagon : une femme reconduisait son mari, capitaine, à la gare de l'Est. Le wagon n'était ni chauffé, ni éclairé. Marthe appuyait sa tête contre la vitre humide. Elle subissait le caprice d'un jeune garçon cruel. J'étais assez honteux, et je souffrais, pensant combien Jacques, toujours si tendre avec elle, méritait mieux que moi d'être aimé.
 
 

Je ne pus m'empêcher de me justifier, à voix basse. Elle secoua la tête : « J'aime mieux, murmura-t-elle, être malheureuse avec toi qu'heureuse avec lui. » Voilà de ces mots d'amour qui ne veulent rien dire, et que l'on a honte de rapporter, mais qui, prononcés par la bouche aimée, vous enivrent. Je crus même comprendre la phrase de Marthe. Pourtant que signifiait-elle au juste ? Peut-on être heureux avec quelqu'un que l'on aime pas ?
 
 

Et je demandais, je me demande encore si l'amour vous donne le droit d'arracher une femme à une destinée, peut-être médiocre, mais pleine de quiétude. « J'aime mieux être malheureuse avec toi. » ; ces mots contenaient-ils un reproche inconscient ? Sans doute, Marthe, parce qu'elle m'aimait, connut-elle avec moi ces heures dont, avec Jacques, elle n'avait pas idée, mais ces moments heureux me donnaient-ils le droit d'être cruel ?
 
 

Nous descendîmes à la Bastille. Le froid, que je supporte parce que je l'imagine la chose la plus propre du monde, était, dans ce hall de la gare, plus sale que la chaleur dans un port de mer, et sans la gaieté qui compense. Marthe se plaignait de crampes. Elle s'accrochait à mon bras. Couple lamentable, oubliant sa beauté, sa jeunesse, honteux de soi comme un couple de mendiants !
 
 

Je croyais la grossesse de Marthe ridicule, et je marchais les yeux baissés. J'étais bien loin de l'orgueil paternel.
 
 

Nous errions sous la pluie glaciale, entre la Bastille et la gare de Lyon. A chaque hôtel, pour ne pas entrer, j'inventais une mauvaise excuse. Je disais à Marthe que je cherchais un hôtel convenable, un hôtel de voyageurs, rien que des voyageurs.
 
 

Place de la gare de Lyon, il devint difficile de me dérober. Marthe m'enjoignit d'interrompre ce supplice.
 
 

Tandis qu'elle attendait dehors, j'entrai dans un vestibule, espérant je ne sais trop quoi. Le garçon me demanda si je désirais une chambre. Il était facile de répondre oui. Ce fut trop facile, et, cherchant une excuse comme un rat d'hôtel pris sur le fait, je lui demandais Mme Lacombe. Je la lui demandais, rougissant, et craignant qu'il me répondît : « Vous moquez-vous, jeune homme ? Elle est dans la rue. » Il consulta les registres. Je devais me tromper d'adresse. Je sortis, expliquant à Marthe qu'il n'y avait plus de place et que nous n'en trouverions pas dans le quartier. Je respirai. Je me hâtai comme un voleur qui s'échappe.
 
 

Tout à l'heure, mon idée fixe de fuir ces hôtels où je menais Marthe de force m'empêchait de penser à elle. Maintenant, je la regardais, la pauvre petite. Je retins mes larmes et quand elle me demanda où nous chercherions un lit, je la suppliai de ne pas en vouloir à un malade, et de retourner sagement elle à J., moi chez mes parents. Malade et sagement ! elle fit un sourire machinal en entendant ces mots déplacés.
 
 

Ma honte dramatisa le retour. Quand, après les cruautés de ce genre, Marthe avait le malheur de me dire : « Tout de même, comme tu as été méchant », je m'emportais, la trouvais sans générosité. Si, au contraire, elle se taisait, avait l'air d'oublier, la peur me prenait qu'elle agît ainsi, parce qu'elle me considérait comme un malade, un dément. Alors, je n'avais de cesse que je ne lui eusse fait dire qu'elle n'oubliait point, et que, si elle me pardonnait, il ne fallait pas cependant que je profitasse de sa clémence ; qu'un jour, lasse de mes mauvais traitements, sa fatigue l'emporterait sur notre amour, et qu'elle me laisserait seul. Quand je la forçais à me parler avec cette énergie, et bien que je ne crusse pas à ses menaces ; j'éprouvais une douleur délicieuse, comparable, en plus fort, à l'émoi que me donnent les montagnes russes. Alors, je me précipitais sur Marthe, l'embrassais plus passionnément que jamais.
 
 

-- Répète-moi que tu me quitteras, lui disais-je, haletant, et la serrant dans mes bras, jusqu'à la casser. Soumise, comme ne peut même pas l'être une esclave, mais seul un médium, elle répétait, pour me plaire, des phrases auxquelles elle ne comprenait rien.
 
 

* * *




Cette nuit des hôtels fut décisive, ce dont je me rendis mal compte après tant d'autres extravagances. Mais si je croyais que toute une vie peut boiter de la sorte, Marthe, elle, dans le coin du wagon de retour, épuisée, atterrée, claquant des dents, comprit tout. Peut-être même vit-elle qu'au bout de cette course d'une année, dans une voiture follement conduite, il ne pouvait y avoir d'autre issue que la mort.
 
 

* * *




Le lendemain, je trouvais Marthe au lit, comme d'habitude. Je voulus l'y rejoindre ; elle me repoussa, tendrement. « Je ne me sens pas très bien, disait-elle, va-t'en, ne reste pas près de moi. Tu prendrais mon rhume. » Elle toussait, avait la fièvre. Elle me dit, en souriant, pour n'avoir pas l'air de formuler un reproche, que c'était la veille qu'elle avait dû prendre froid. Malgré son affolement, elle m'empêcha d'aller chercher le docteur. « Ce n'est rien, disait-elle. Je n'ai besoin que de rester au chaud. » En réalité, elle ne voulait pas, en m'envoyant, moi, chez le docteur, se compromettre aux yeux de ce vieil ami de sa famille. J'avais un tel besoin d'être rassuré que le refus de Marthe m'ôta mes inquiétudes. Elles ressuscitèrent, et plus fortes que tout à l'heure, quand, lorsque je partis pour dîner chez mes parents, Marthe me demanda si je pouvais faire un détour, et déposer une lettre chez le docteur.
 
 

Le lendemain, en arrivant à la maison de Marthe, je croisai celui-ci dans l'escalier. Je n'osai pas l'interroger, et le regardai anxieusement. Son air calme me fit du bien : ce n'était qu'une attitude professionnelle.
 
 

J'entrai chez Marthe. Où était-elle ? La chambre était vide. Marthe pleurait, la tête cachée sous les couvertures. Le médecin la condamnait à garder la chambre, jusqu'à la délivrance. De plus, son état exigeait des soins ; il fallait qu'elle demeurât chez ses parents. On nous séparait.
 
 

Le malheur ne s'admet point. Seul, le bonheur semble dû. En admettant cette séparation sans révolte, je ne montrais pas de courage. Simplement, je ne comprenais point. J'écoutais, stupide, l'arrêt du médecin, comme un condamné sa sentence. S'il ne pâlit point : « Quel courage ! » dit-on. Pas du tout : c'est plutôt manque d'imagination. Lorsqu'on le réveille pour l'exécution, alors, il entend la sentence. De même, je ne compris que nous n'allions plus nous voir, que lorsqu'on vint annoncer à Marthe la voiture envoyée par le docteur. Il avait promis de n'avertir personne, Marthe exigeant d'arriver chez sa mère à l'improviste.
 
 

Je fis arrêter à quelque distance de la maison des Grangier. La troisième fois que le cocher se retourna, nous descendîmes. Cet homme croyait surprendre notre troisième baiser, il surprenait le même. Je quittais Marthe sans prendre les moindres dispositions pour correspondre, presque sans lui dire au revoir, comme une personne qu'on doit rejoindre une heure après. Déjà, des voisines curieuses se montraient aux fenêtres.
 
 

Ma mère remarqua que j'avais les yeux rouges. Mes soeurs rirent parce que je laissais deux fois de suite retomber ma cuillère à soupe. Le plancher chavirait. Je n'avais pas le pied marin pour la souffrance. Du reste, je ne crois pouvoir comparer mieux qu'au mal de mer ces vertiges du coeur et de l'âme. La vie sans Marthe, c'était une longue traversée. Arriverais-je ? Comme, aux premiers symptômes du mal de mer, on se moque d'atteindre le port et on souhaite mourir sur place, je me préoccupais peu d'avenir. Au bout de quelques jours, le mal, moins tenace, me laissa le temps de penser à la terre ferme.
 
 

Les parents de Marthe n'avaient plus à deviner grand-chose. Ils ne se contentaient pas d'escamoter les lettres. Ils les brûlaient devant elle, dans la cheminée de sa chambre. Les siennes étaient écrites au crayon, à peine lisibles. Son frère les mettait à la poste.
 
 

Je n'avais plus à essuyer de scènes de famille. Je reprenais les bonnes conversations avec mon père, le soir, devant le feu. En un an, j'étais devenu un étranger pour mes soeurs. Elles se réapprivoisaient, se réhabituaient à moi. Je prenais la plus petite sur mes genoux, et, profitant de la pénombre, la serrais avec une telle violence, qu'elle se débattait, mi-riante, mi-pleurante. Je pensais à mon enfant, mais j'étais triste. Il me semblait impossible d'avoir pour lui une tendresse plus forte. Étais-je mûr pour qu'un bébé me fût autre chose que frère ou soeur ?
 
 

Mon père me conseillait des distractions. Ces conseils-là sont engendrés par le calme. Qu'avais-je à faire, sauf ce que je ne ferais plus ? Au bruit de la sonnette, au passage d'une voiture, je tressaillais. Je guettais dans ma prison les moindres signes de délivrance.
 
 

A force de guetter des bruits qui pouvaient annoncer quelque chose, mes oreilles, un jour, entendirent des cloches. C'étaient celles de l'armistice.
 
 

Pour moi, l'armistice signifiait le retour de Jacques. Déjà, je le voyais au chevet de Marthe, sans qu'il me fût possible d'agir. J'étais perdu.
 
 

Mon père revint à Paris. Il voulait que j'y retournasse avec lui : « On ne manque pas une fête pareille. » Je n'osais refuser. Je craignais de paraître un monstre. Puis, somme toute, dans ma frénésie de malheur, il ne me déplaisait pas d'aller voir la joie des autres.
 
 

Avouerai-je qu'elle ne m'inspira pas grande envie. Je me sentais seul capable d'éprouver les sentiments qu'on prête à la foule. Je cherchais le patriotisme. Mon injustice, peut- être, ne me montrait que l'allégresse d'un congé inattendu : les cafés ouverts plus tard, le droit pour les militaires d'embrasser les midinettes. Ce spectacle, dont j'avais pensé qu'il m'affligerait, qu'il me rendrait jaloux, ou même qu'il me distrairait par la contagion d'un sentiment sublime, m'ennuya comme une Sainte-Catherine.
 
 

* * *




Depuis quelques jours, aucune lettre ne me parvenait. Un des rares après-midi où il tomba de la neige, mes frères me remirent un message du petit Grangier. C'était une lettre glaciale de Mme Grangier. Elle me priait de venir au plus vite. Que pouvait-elle me vouloir ? La chance d'être en contact, même indirect, avec Marthe, étouffa mes inquiétudes. J'imaginais Mme Grangier m'interdisant de revoir sa fille, de correspondre avec elle, et moi, l'écoutant, tête basse, comme un mauvais élève. Incapable d'éclater, de me mettre en colère, aucun geste ne manifesterait ma haine. Je saluerais avec politesse, et la porte se refermerait pour toujours. Alors, je trouverais les réponses, les arguments de mauvaise foi, les mots cinglants qui eussent pu laisser à Mme Grangier, de l'amant de sa fille une image moins piteuse que celle d'un collégien pris en faute. Je prévoyais la scène, seconde par seconde.
 
 

Lorsque je pénétrai dans le petit salon, il me sembla revivre ma première visite. Cette visite signifiait alors que je ne reverrais peut-être plus Marthe.
 
 

Mme Grangier entra. Je souffris pour elle de sa petite taille, car elle s'efforçait d'être hautaine. Elle s'excusa de m'avoir dérangé pour rien. Elle prétendit qu'elle m'avait envoyé ce message pour obtenir un renseignement trop compliqué à demander par écrit, mais qu'entre temps, elle avait eu ce renseignement. Cet absurde mystère me tourmenta plus que n'importe quelle catastrophe. Près de la Marne, je rencontrai le petit Grangier, appuyé contre une grille. Il avait reçu une boule de neige en pleine figure. Il pleurnichait. Je le cajolai, je l'interrogeai sur Marthe. Sa soeur m'appelait, me dit-il. Leur mère ne voulait rien entendre, mais leur père avait dit : « Marthe est au plus mal, j'exige qu'on obéisse. »
 
 

Je compris en une seconde la conduite si bourgeoise, si étrange, de Mme Grangier. Elle m'avait appelé, par respect pour son époux, et la volonté d'une mourante. Mais l'alerte passée, Marthe saine et sauve, on reprenait la consigne J'eusse dû me réjouir. Je regrettais que la crise n'eut pas duré le temps de me laisser voir la malade.
 
 

Deux jours après, Marthe m'écrivit. Elle ne faisait aucune allusion à ma visite. Sans doute la lui avait-on escamotée. Marthe parlait de notre avenir, sur un ton spécial, serein, céleste, qui me troublait un peu. Serait-il vrai que l'amour est la forme la plus violente de l'égoïsme, car, cherchant une raison à mon trouble, je me dis que j'étais jaloux de notre enfant, dont Marthe aujourd'hui m'entretenait plus que de moi-même.
 
 

Nous l'attendions pour mars. Un vendredi de janvier, mes frères, tout essoufflés, nous annoncèrent que le petit Grangier avait un neveu. Je ne compris pas leur air de triomphe, ni pourquoi ils avaient tant couru. Ils ne se doutaient certes pas de ce que la nouvelle pouvait avoir d'extraordinaire à mes yeux. Mais un oncle était pour mes frères une personne d'âge. Que le petit Grangier fût oncle tenait donc du prodige, et ils étaient accourus pour nous faire partager leur émerveillement.
 
 

C'est l'objet que nous avons constamment sous les yeux que nous reconnaissons avec le plus de difficulté, si on le change un peu de place. Dans le neveu du petit Grangier, je ne reconnus pas tout de suite l'enfant de Marthe, ‹ mon enfant.
 
 

L'affolement que dans un lieu public produit un court-circuit, j'en fus le théâtre. Tout à coup, il faisait noir en moi Dans cette nuit, mes sentiments se bousculaient ; je me cherchais, je cherchais à tâtons des dates, des précisions. Je comptais sur mes doigts comme je l'avais vu faire quelquefois à Marthe, sans alors la soupçonner de trahison. Cet exercice ne servait d'ailleurs à rien. Je ne savais plus compter. Qu'était-ce que cet enfant que nous attendions pour mars, et qui naissait en janvier ? Toutes les explications que je cherchais à cette anormalité, c'est ma jalousie qui les fournissait. Tout de suite, ma certitude fut faite. Cet enfant était celui de Jacques. N'était-il pas venu en permission neuf mois auparavant. Ainsi, depuis ce temps, Marthe me mentait. D'ailleurs, ne m'avait-elle pas déjà menti au sujet de cette permission ! Ne m'avait-elle pas d'abord juré s'être pendant ces quinze jours maudits refusée à Jacques, pour m'avouer, longtemps après, qu'il l'avait plusieurs fois possédée !
 
 

Je n'avais jamais pensé bien profondément que cet enfant pût être celui de Jacques. Et si, au début de la grossesse de Marthe, j'avais pu souhaiter lâchement qu'il en fût ainsi, il me fallait bien avouer, aujourd'hui, que je croyais être en face de l'irréparable, que, bercé pendant des mois par la certitude de ma paternité, j'aimais cet enfant, cet enfant qui n'était pas le mien. Pourquoi fallait-il que je ne me sentisse le coeur d'un père, qu'au moment où j'apprenais que je ne l'étais pas !
 
 

On le voit, je me trouvais dans un désordre incroyable, et comme jeté à l'eau, en pleine nuit, sans savoir nager. Je ne comprenais plus rien. Une chose surtout que je ne comprenais pas, c'était l'audace de Marthe, d'avoir donné mon nom à ce fils légitime. A certains moments, j'y voyais un défi jeté au sort qui n'avait pas voulu que cet enfant fût le mien, à d'autres moments, je n'y voulais plus voir qu'un manque de tact, une de ces fautes de goût qui m'avaient plusieurs fois choqué chez Marthe, et qui n'étaient que son excès d'amour.
 
 

J'avais commencé une lettre d'injures Je croyais la lui devoir, par dignité ! Mais les mots ne venaient pas, car mon esprit était ailleurs, dans des régions plus nobles.
 
 

Je déchirai la lettre. J'en écrivis une autre, où je laissai parler mon coeur. Je demandais pardon à Marthe Pardon de quoi ? Sans doute que ce fils fût celui de Jacques. Je la suppliais de m'aimer quand même.
 
 

L'homme très jeune est un animal rebelle à la douleur. Déjà, j'arrangeais autrement ma chance. J'acceptais presque cet enfant de l'autre. Mais avant même que j'eusse fini ma lettre, j'en reçus une de Marthe, débordante de joie. -- Ce fils était le nôtre, né deux mois avant terme. Il fallait le mettre en couveuse. « J'ai failli mourir », disait-elle. Cette phrase m'amusa comme un enfantillage.
 
 

Car je n'avais place que pour la joie. J'eusse voulu faire part de cette naissance au monde entier, dire à mes frères qu'eux aussi étaient oncles. Avec joie, je me méprisais : comment avoir pu douter de Marthe ? Ces remords, mêlés à mon bonheur, me la faisaient aimer plus fort que jamais, mon fils aussi. Dans mon incohérence, je bénissais la méprise. Somme toute, j'étais content d'avoir fait connaissance, pour quelques instants, avec la douleur. Du moins, je le croyais. Mais rien ne ressemble moins aux choses elles-mêmes ; que ce qui en est tout près. Un homme qui a failli mourir croit connaître la mort. Le jour où elle se présente enfin à lui, il ne la reconnaît pas : « Ce n'est pas elle », dit-il, en mourant.
 
 

Dans sa lettre Marthe me disait encore « Il te ressemble ». J'avais vu des nouveau-nés, mes frères et mes soeurs, et je savais que seul l'amour d'une femme peut leur découvrir la ressemblance qu'elle souhaite. « Il a mes yeux », ajoutait-elle. Et seul aussi son désir de nous voir réunis en un seul être pouvait lui faire reconnaître ses yeux.
 
 

Chez les Grangier, aucun doute ne subsistait plus. Ils maudissaient Marthe, mais s'en faisaient les complices, afin que le scandale ne « rejaillît » pas sur la famille. Le médecin, autre complice de l'ordre, cachant que cette naissance était prématurée, se chargerait d'expliquer au mari, par quelque fable, la nécessité d'une couveuse.
 
 

Les jours suivants, je trouvai naturel le silence de Marthe. Jacques devait être auprès d'elle. Aucune permission, ne m'avait si peu atteint, que celle-ci, accordée au malheureux pour la naissance de son fils. Dans un dernier sursaut de puérilité, je souriais même à la pensée que ces jours de congé, il me les devait.
 
 

* * *




Notre maison respirait le calme.
 
 

Les vrais pressentiments se forment à des profondeurs que notre esprit ne visite pas. Aussi, parfois, nous font-ils accomplir des actes que nous interprétons tout de travers.
 
 

Je me croyais plus tendre à cause de mon bonheur et je me félicitais de savoir Marthe dans une maison que mes souvenirs heureux transformaient en fétiche.
 
 

Un homme désordonné qui va mourir et ne s'en doute pas met soudain de l'ordre autour de lui. Sa vie change. Il classe ses papiers. Il se lève tôt, il se couche de bonne heure. Il renonce à ses vices. Son entourage se félicite. Aussi sa mort brutale semble-t-elle d'autant plus injuste. Il allait vivre heureux.
 
 

De même, le calme nouveau de mon existence était ma toilette du condamné. Je me croyais meilleur fils parce que j'en avais un. Or, ma tendresse me rapprochait de mon père, de ma mère parce que quelque chose en moi savait que j'aurais, sous peu, besoin de la leur.
 
 

Un jour, à midi, mes frères revinrent de l'école nous criant que Marthe était morte.
 
 

La foudre qui tombe sur un homme est si prompte qu'il ne souffre pas. Mais c'est pour celui qui l'accompagne un triste spectacle. Tandis que je ne ressentais rien, le visage de mon père se décomposait. Il poussa mes frères. « Sortez, bégaya-t-il. Vous êtes fous, vous êtes fous. » Moi, j'avais la sensation de durcir, de refroidir, de me pétrifier. Ensuite, comme une seconde déroule aux yeux d'un mourant tous les souvenirs d'une existence, la certitude me dévoila mon amour avec tout ce qu'il avait de monstrueux. Parce que mon père pleurait, je sanglotais. Alors, ma mère me prit en main. Les yeux secs, elle me soigna froidement, tendrement, comme s'il se fût agi d'une scarlatine.
 
 

Ma syncope expliqua le silence de la maison, les premiers jours, à mes frères. Les autres jours, ils ne comprirent plus. On ne leur avait jamais interdit les jeux bruyants. Ils se taisaient. Mais, à midi, leurs pas sur les dalles du vestibule me faisaient perdre connaissance comme s'ils eussent dû chaque fois m'annoncer la mort de Marthe.
 
 

Marthe ! Ma jalousie la suivant jusque dans la tombe, je souhaitais qu'il n'y eût rien, après la mort. Ainsi, est-il insupportable que la personne que nous aimons se trouve en nombreuse compagnie dans une fête où nous ne sommes pas. Mon coeur était à l'âge où l'on ne pense pas encore à l'avenir. Oui, c'est bien le néant que je désirais pour Marthe, plutôt qu'un monde nouveau, où la rejoindre un jour.
 
 

* * *




La seule fois que j'aperçus Jacques, ce fut quelques mois après. Sachant que mon père possédait des aquarelles de Marthe, il désirait les connaître. Nous sommes toujours avides de surprendre ce qui touche aux êtres que nous aimons. Je voulus voir l'homme auquel Marthe avait accordé sa main.
 
 

Retenant mon souffle et marchant sur la pointe des pieds, je me dirigeais vers la porte entrouverte. J'arrivais juste pour entendre :
 
 

-- Ma femme est morte en l'appelant. Pauvre petit ! N'est-ce pas ma seule raison de vivre ?
 
 

En voyant ce veuf si digne et dominant son désespoir, je compris que l'ordre, à la longue, se met de lui-même autour des choses. Ne venais-je pas d'apprendre que Marthe était morte en m'appelant et que mon fils aurait une existence raisonnable ?
 
 

FIN
 

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