ON PARLA D'AMOUR
Rue Popincourt, Octobre 2006
Frustré, son désir de générosité se muait par moments en une agressivité aigre, et vaine. Il s'emportait brusquement, frôlait la méchanceté, avant de se radoucir.
Il professait son incompréhension et parfois son dégoût des "amoraux".
Il disait : "Je hais ceux qui, se réclamant d'une certaine amoralité "moderne", se révèlent simplement immoraux. L'amoralité pour moi n'est pas l'absence de morale (d'ailleurs, à moins d'être absolument seul, vivre sans morale est tout simplement impossible), mais le refus partiel ou total de LA morale, une morale donnée, extérieure, peut-être oppressante.
L'immoralité, en revanche, c'est simplement le fait de ceux qui transgressent et violent sciemment la morale des autres. C'est la marque d'un égoïsme fondamental, qu'il soit assumé ou pas."
L'inconsciente aliénation de certains de ses congénères à une sexualité soi-disant "non-sentimentale" le faisait parfois sourire, et parfois frémir. Il aurait voulu pouvoir s'en moquer, et compatir secrètement avec eux (parce qu'ils souffraient, et parce qu'il voyait dans ces comportements des marques de faiblesse), mais il craignait de ne simplement pas saisir leurs motivations, d'être un handicapé sentimental et moral, voire un demi-puceau, perdu dans d'archaïques rêveries romantiques qui n'avaient plus désormais aucun cours.De toutes manières, ilui semblait qu'il était impossible de faire l'amour sans tomber un petit peu amoureux -ne serait-ce que brièvement, d'un amour qui irradie le moment de l'acte sexuel, et s'éteint parfois ensuite, peu à peu, à mesure que les minutes passent, que le sommeil et les rêves viennent recouvrir le moment et marquent le retour au statu quo ante sentimental.
Le sexe et l'amour, c'est l'oeuf et la poule modernes, dit-il maladroitement à une jeune fille qui n'en avait que faire.
