C A T A S T R O P H E
(fin mai 2006)
Un Sami
chasse
l'Autre.[Photographe : Edi]
Résistant à la lente offensive des ténèbres, le ciel léché de sombres nuées luisait encore, baignant le soir d'aigue-marine et d'émeraude.
Il avait plu, et le long de la chaussée détrempée le goudron étincelait sous les réverbères, orangé de mille petits feux : flaques frémissantes de lumière, lacs dérisoires, constellations minuscules de gouttelettes incandescentes.
C'était un soir de catastrophe, un soir inhabituel qui rompait l'atonie esthétique de ses routines, et rendait soudain insipides tous les autres soirs, les frappant de nullité. Soudain, la profondeur abyssale du vide de son existence, dont il refusait jusqu'alors de s'apercevoir, s'imposait à lui comme une évidence brutale, angoissante.
"Où vais-je ?" s'interrogea t-il à mi-voix.
La respiration soudain oppressée, il jeta sa cigarette, s'arrêta.
Il aurait voulu se gifler.
La catastrophe, à vrai dire, n'était plus imminente ; elle s'était déjà produite. Il s'efforçait maintenant de l'admettre.
"Puisque je vis en société" se dit-il, "je suis ce que je produis. Si je ne produis rien, je ne suis rien aux yeux des autres, donc à moi-même".
Que pouvait-il en conclure ? Une autre évidence : il fallait trouver quelque chose à faire.(à suivre)